J’ai profité de la pause entre mes 2 jobs pour diminuer un peu la pile des bouquins à lire qui me narguent à côté de mon bureau. Voici une rapide revue d’un des livres qui y est passé, les autres ici.
High Output Management (Amazon.fr) par Andrew Grove (about).
L’auteur, Andrew Grove, est le co-fondateur d’Intel en 1968, dont il devient président en 1979, PDG en 1987 et président du conseil d’administration de 1997 à 2004. Il a participé à la transformation de cette société d’une époque où elle vendait des composants électroniques à bas prix, quand l’email n’existait même pas encore, à la firme incontournable que l’on connaît aujourd’hui. Autant dire qu’il a 2 ou 3 trucs à nous apprendre…
Son livre véhicule 2 idées fondamentales : le rôle incontournable de la formation dans le management et le management par les objectifs. Si la première est plus que jamais d’actualité, la seconde commence enfin à passer de mode…
Oui je suis polémique si je veux ! Parce que ce monsieur et son livre regorgent d’excellents conseils sur comment coacher une équipe, mener les entretiens, former les collaborateurs et leur permettre de se réaliser. Pour cela il est incontournable. Mais l’idée de fond selon laquelle on manage des gens principalement à base d’objectifs est à mon sens largement dépassée.
Car si sur le papier l’idée est belle : on s’entend avec un collaborateur sur un objectif à réaliser défini par des indicateurs quantitatifs, on lui laisse le champ libre et on mesure régulièrement ces indicateurs pour valider son avancement, dans la réalité c’est une utopie. En effet dès qu’on pose un indicateur, très rapidement le jeu devient la course à l’optimisation de sa valeur, sans plus vraiment se soucier de l’objectif sous-jacent. Et ça c’est mon expérience directe en tant que consultant décisionnel, parce que n’oublions pas que justement c’est mon job de designer les systèmes qui calculent ces indicateurs.
Ne croyez pas que je dise que ces indicateurs sont inutiles, ce serait le comble, mais ils sont difficiles à choisir, et leur valeur intrinsèque ne doit pas être une fin en elle-même, sinon vous êtes garantis de pervertir le système.
L’alternative est plutôt simple et elle nous vient du lean, on en reparle plus tard à travers mes autres lectures.
Par contre son focus sur la formation, c’est juste excellent.
Morceaux choisis :
- La valeur produite par un manageur est celle produite par son équipe plus celle de sa zone d’influence dans l’organisation. La question pour lui est donc bien de savoir comment optimiser le travail de ces équipes. (intro et p40)
- Une bonne manière de contrecarrer l’effet néfaste de la poursuite aveugle d’indicateurs, c’est de les associer 2 par 2, un qui mesure l’effet voulu et un l’effet de bord indésirable. (p17) Il est donc bien conscient que suivre aveuglement la valeur numérique d’un indicateur n’est pas bon, mais à mon sens c’est un peu optimiste de croire qu’on est capable d’identifier en amont tous les effets pervers, même ceux à long terme, pour les quantifier et les surveiller.
- Comme pour pas mal de cadre, le travail d’un manageur n’est jamais vraiment terminé, il y a toujours des choses à faire. L’important est donc bien de prioriser celles qui apporteront le plus de valeur, c’est-à-dire celles qui optimiseront au mieux le travail de ses équipes. (p47)
- Ecrire des comptes rendu (de réunion, d’opération, de mission) est vital à l’entreprise. Les lire beaucoup moins. La vraie valeur vient de l’effort d’analyse et de synthèse réalisé à son écriture. (p49)
- Il parle déjà du gemba sans le savoir, la pratique lean pour les managers d’aller sur le terrain prendre le temps de sentir l’activité pour détecter les possibilités d’amélioration. (p50) On en reparle plus tard.
- La ressource la plus importante qu’un manageur peut allouer est son propre temps. Il doit le faire sur des activités qui maximisent le retour sur investissement : la formation par ses propres soins de ses subordonnés. (p53 et 223)
- La délégation n’est ni abdication, ni micro-management. On commence par un suivi régulier de tâches déléguées, puis on joue sur la fréquence du suivi en fonction de la capacité effective du collaborateur sur la tâche. (p60)
- Il parle de travail standardisé, là encore une pratique du lean. (p69)
- Tout le chapitre 5 sur les réunions.
- A lire avec des grosses pincettes : tout le chapitre 6 sur la planification du travail et le management par objectifs
- Pour lui le rôle du manager est clair : c’est celui de coach de son équipe, comme un coach d’une équipe de sport. Le coach n’est pas sur le terrain à courir après le ballon, il ne prend pas la réussite de son équipe comme un succès personnel,il créé l’esprit de corps, il critique et encourage pour entretenir l’amélioration de son équipe, individuellement et comme un ensemble. (p171)
- La responsabilité d’apprendre son métier à un collaborateur est celle de son manageur direct. Il ne peut pas la déléguer. L’échec du collaborateur est également sa responsabilité directe. (p177)
- La note d’un manageur lors de sa revue annuelle ne peut pas être plus élevée que celle de son organisation. Par définition il n’existe pas de bon manageur dans une mauvaise organisation. (p187)
- La formation est un processus continu, pas un événement ponctuel. (p224)
Personnellement j’en tire une conclusion directe : je dois au maximum former moi-même mes équipes.
Je vous recommande ce livre si vous cherchez à avoir une vision exhaustive de ce qui se dit en management. Il est incontournable d’un point de vue académique. Mais s’il est ultra précurseur sur tout un tas de pratiques qu’on retrouve dans les méthodes de management modernes, il en propose aussi qui ne sont pas du tout adaptées à nos générations (essayez d’imposer une directive à l’encontre du bon sens à un collaborateur né après 1980, vous aurez sa démission dans les 3 mois). Donc autant s’éviter les pièges et commencer directement par le lean (on en reparle).
High Output Management (Amazon.fr) par Andrew Grove (about).
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