L’envie d’écrire cet article n’est pas nouvelle. Elle me vient à chaque fois qu’on me demande d’expliquer ou justifier mes idées « provocantes » sur le piratage, le copyright, les brevets, les maisons de disques ou HADOPI. En somme tout ce qui concerne la propriété intellectuelle et plus globalement l’économie de l’intangible, que ce soit pour les films, la musique, les logiciels et même nos prestations de consultants.
Ce que je vais vous rapporter ici, c’est une traduction / vulgarisation de ce qui est pour moi l’idée fondamentale de l’économie du 21ème siècle, rien que ça ! Celui qui a formulé les choses d’une manière qui m’a permis de les comprendre c’est Mike Masnick de Techdirt, dès 2007. Je ne pense pas qu’il ait inventé le concept, il a plutôt été un des premiers à formuler cette théorie et à présenter des arguments factuels clairs pour la défendre. Pour ceux qui suivent, Techdirt je l’avais pris comme exemple dans l’article sur la vérité essentielle du business.
Je vais faire un petit disclaimer avant de commencer : en dehors des quelques cours d’économie qu’un ingénieur peut recevoir dans ses 6 mois de spécialisation « ingénierie des affaires », je n’ai aucun background sérieux dans le domaine. Par contre je lis beaucoup (beaucoup) d’articles sur le sujet, que ce soit d’auteurs et de publications prestigieuses, ou simplement de personnes qui racontent leur vécu, que je vous fais d’ailleurs régulièrement partager sur ce blog à travers les 4 liens de la semaine.
Tout ça pour dire que mon avis vaut celui d’un autre, le vôtre par exemple, et que je vais vous laisser apprécier cette théorie comme bon vous semble, sans aucun jugement.
Si vous avez un peu de temps, et que l’anglais ne vous fait pas peur, vous vous devez de m’abandonner et d’aller lire la série d’articles originale (MàJ 20/08/2012 : cette série est également disponible en ebook à partir de 0€). C’est long, il y en a beaucoup, mais pourquoi lire une copie si vous pouvez aller à la source ? Par contre si vous savez que ça finira dans votre Instapaper sans être jamais lu, accrochez-vous un peu et continuez ici.
L’introduction est terminée, on peut y aller 😉
Mike Masnick a commencé sa série d’article par une citation de Thomas Jefferson que je vais traduire approximativement ici :
« S’il y a bien une chose étrangère à la propriété exclusive c’est l’action de penser, autrement appelée une idée. Un individu peut posséder une idée tant qu’il la garde en lui, mais dès qu’il la partage, elle ne peut que se diffuser, car ceux qui la reçoivent ne peuvent pas s’en séparer. Le caractère particulier d’une idée c’est que personne n’en détient une partie, puisque tous détiennent la totalité. En effet celui qui reçoit une idée de moi reçoit du savoir sans m’en prendre, comme celui qui allume sa bougie à la mienne reçoit de la lumière sans me plonger dans les ténèbres. »
Joli non ? Et ce sera notre concept de base : une idée est une ressource infinie dans la mesure où cela ne coute rien à personne de la propager (c’est le moment où les professeurs de tous les lycées, écoles et universités me détestent).
Notez bien ce que je dis : si j’ai une idée et que je veux l’avoir en double, ça ne me coute rien, il suffit d’y penser.
Notez bien que je n’ai pas dit que le coût de fabrication de l’idée originale était 0. En effet son cout initial est même certainement non nul. Mais son coût marginal, son coût de duplication, le coût de fabrication d’une ressource quand j’en dispose déjà d’une, c’est effectivement 0.
Si c’est le cas autant en faire une infinité de copie et vu que je suis dans les affaires pourquoi ne pas les vendre ? Je me retourne vers mes copains les économistes qui m’expliquent le concept simple qui dictera mon prix dans l’économie de marché : l’offre et la demande. Ici mon offre c’est l’infinité de copies de l’idée dont je dispose. Malheureusement pour moi l’équation ne va pas jouer en ma faveur sur ce coup: mon offre est infinie donc peu importe la demande, le prix va tendre vers le coût marginal, soit ici un beau 0.

L’opposé de ce dont je parle, ou comment perdre son lectorat grâce à des illustrations mal choisies
Ma situation est donc la suivante :
- J’ai payé un cout initial pour fabriquer mon idée,
- Maintenant que je l’ai, la dupliquer me coute 0, son coût marginal est 0,
- Donc mon offre est infinie, d’ailleurs ce n’est pas vraiment mon offre mais plus globalement l’offre, puisque cette idée se propage sans barrière,
- Et à offre infinie, peu importe la demande, mon prix tend vers le coût marginal, c’est à dire 0 !
- Je suis triste ! Comment rembourser ma mise initiale ?
La transposition de cette théorie aux fichiers digitaux est immédiate. Et en effet, les maisons de disques et l’industrie du film seront plutôt tristes :
- Elles ont fabriqué des albums et des films à plusieurs millions de dollars pièce
- Une fois réalisées, ces œuvres coutent 0 à dupliquer (au format électronique, la copie d’un MP3 ou d’un divx)
- Donc l’offre est infinie
- Et à offre infinie, le prix tend vers 0 (piratage)
- Oups…
On pause 30 secondes pour bien laisser les choses se mettre en place.
Je suis une maison de disque, j’ai payé 2 millions de $ pour produire un disque, je fabrique et vends quelques CD, quelqu’un en fait un MP3, il se multiplie à l’infini sur Internet, plus personne n’achète mes CD, j’ai perdu tout mon investissement initial.
J’ai la rage, c’est normal. Je crie à l’injustice, c’est normal. Certes, mais c’était écrit dans les premiers chapitres des bouquins d’économie : l’offre et la demande. Tout ce que l’équation attendait c’était de mettre un 0 dans le cout marginal : soit une ressource infinie comme une idée ou un fichier informatique.
Que faire ? Lutter contre le piratage ? Le problème c’est que ce comportement économique, le « piratage », c’est un comportement imparable, incontournable dans l’économie des biens infinis. C’est prédit par la modélisation la plus basique de l’économie de marché. La lutte va être dure…
Alors certains ont essayé d’utiliser des arguments moraux « Vous devez payer parce que sinon les artistes mourront de faim, c’est la chose juste ! ». Bien essayé, mais n’importe quel homme d’affaires vous dira que si votre business plan comporte une hypothèse de moralité pour fonctionner, vous êtes cuit. Raté donc.
Une autre idée ça a été de mettre des DRM partout, vous savez ces mécanismes censés empêcher la copie. Très bonne idée, tout du moins d’un point de vue théorique. Si ces verrous empêchent la copie, on réintroduit ainsi un coût de duplication dans l’équation. En effet on augmente le coût marginal artificiellement et on empêche l’offre d’être infinie. Très malin. Mais dans la réalité autant essayer d’arrêter un ruisseau à mains nues, confère Jefferson : il suffit d’une seule copie qui s’échappe pour que l’offre redevienne infinie, et rien ne peut arrêter ça. Et je ne parlerai pas ici de la perte de fonctionnalité pour les utilisateurs « légaux », qui doivent subir le DRM alors qu’ils ont payé. On retrouve là le jeu du chat et de la souris entre les producteurs de contenu et les pirates, c’est l’état actuel des choses.

Même le Dark Knight il n’arrive pas à faire plier le piratage…
La solution est pourtant simple : arrêter de lutter contre les lois économiques, arrêter de vouloir vendre des biens infinis. Ce qu’il faut c’est repartir de la base, analyser son produit pour comprendre quels sont ses composants infinis et quels sont ses composants finis, et se servir des premiers pour vendre les seconds.
Il est facile d’illustrer ça pour certaines professions : les musiciens/écrivains distribuent librement leurs musiques/livres de manière électronique (infinis) pour se faire connaître et vendre des places de concerts / séminaires et conférences (finis) ainsi que des jolis objets collectors comme des CD / livres dédicacés (finis). Ça paraît logique qu’on y pense. Parce qu’après tout, un consultant pour gagner de l’argent ça doit consulter, un médecin ça doit soigner, un policier ça doit policer, ce n’est pas choquant de se dire qu’un musicien pour gagner sa vie ça doit jouer de la musique non ? Avec son instrument ? Devant un public ?
Evidemment c’est un retour aux sources, avec un rappel violent que pour réussir il faut être bon et authentique dans ce qu’on fait. Sans budget marketing illimité, sans matraquage télé et radio, il faut du travail, de la persévérance et une certaine dose de talent. Un peu comme pour tous les autres métiers en fait.
Alors je le disais, la solution est simple : je prends mon produit, j’identifie la partie abondante et je m’en sers comme support marketing pour vendre la partie finie. Mais ce processus est douloureux quand on doit se remettre à travailler sincèrement, d’autant plus si on est habitué à toucher une rente sans rien produire de nouveau depuis longtemps.
On le voit, cette nouvelle économie impose de repenser son business model. Et je l’avoue volontiers, pour certaines industries on ne sait pas encore exactement comment ça va se terminer. Pour l’industrie du film par exemple, les choses sont loin d’être évidentes. Pour eux le champ de bataille est encore recouvert d’un brouillard de fumée qui ne permet pas très bien de voir ce qu’il se passe. Cela dit, vu les résultats du box office depuis une dizaine d’années, je ne crois pas qu’ils soient tant à plaindre que ça. La morosité des chiffres peut autant s’expliquer par la faible qualité des films produits, que par le contexte économique qui pousse à la réduction des dépenses dans les ménages, que par le piratage.
Notez que je parle parfois d’économie de l’intangible, mais que c’est un mauvais choix de vocabulaire. Je devrais plutôt parler d’économie de l’abondance, comme le fait Mick Masnick. En effet ce n’est pas parce qu’un bien est intangible qu’il est infini. (MàJ 20/08/2012 : la notion économique sous-jacente, rappelée par Aquemy dans les commentaire, c’est celle de biens rivaux ou non). Des exemples évidents : mon temps, mon attention, ma recommandation, ma reconnaissance… Tout ça ce sont des biens intangibles qui sont loin d’être infinis. C’est important car cela explique pourquoi quand Louis CK, un comique américain, vend la vidéo de son dernier spectacle sur internet à 5$ directement sur son site web, sans DRM, je préfère l’acheter plutôt que la pirater. Pourquoi ?
- Parce que je lui suis reconnaissant de me faire rire et que je l’aime bien,
- Parce que je veux lui donner raison de tenter des nouvelles manières d’interagir avec son public et que j’ai envie qu’il réussisse, à la limite du militantisme en fait,
- Parce que je gagne du temps (plutôt que de galérer à trouver le torrent, là c’est 2 clics et du direct download). D’ailleurs ça iTunes l’a bien compris : sur iTunes je n’achète pas des MP3, je paye pour ma fainéantise d’aller chercher les MP3 équivalents sur bittorrent.
Notez qu’à aucun moment je ne paye pour la vidéo en elle-même. Mais je paye quand même.
Enfin, et pour conclure, je voulais évoquer les prémices de la chute du dernier frein qui existait pour que ces nouveaux business models explosent. Mais si, souvenez vous, la problématique du coût initial? C’est bien beau de vouloir distribuer des MP3 gratuitement, mais d’où vient l’argent pour les produire ? La réponse nous vient des plateformes comme Kickstarter, IndieGoGo, Ulule ou KissKissBankBank (MàJ 17/08/12 suite au commentaire d’Ywen). Pour ceux qui ne connaissent pas, ce sont des sites qui permettent de demander au grand public un financement pour son projet. On crée une page qui présente le projet, on propose des formules de participation (10$, 50$…) qui apportent chacune un petit bonus (un t-shirt, un MP3 en avant-première – notez qu’on utilise ici une caractéristique intangible non infinie, l’exclusivité temporelle, pour donner de la valeur à un bien infini) et on croise les doigts en espérant que les gens apporteront leur participation financière au projet. Avec ce type de formule, le cout initial peut être couvert avant même de commencer le projet !
Et même si ça ne marche pas, avec les outils informatiques actuels, rien n’empêche de tout faire soi-même le soir après le boulot.
L’exemple parfait c’est un groupe de musiciens qui se retrouvent pour jouer après le boulot le soir et bricolent leurs MP3 sur le mac d’un des membres. Ils les distribuent librement pour se faire connaître, et une fois que ça commence à marcher (ils sont talentueux) ils montent leur premier projet Kickstarter : financer la production de leur prochain disque dans un studio professionnel. Une fois ce nouvel album disponible, ils y retournent et distribuent les MP3 fraîchement produits gratuitement sur Internet. Leur objectif cette fois-ci : développer leur audience pour garantir de remplir les salles de la petite tournée à travers la France qu’ils ont en tête. C’est le début de la gloire ! Ça ce sont des gens qui ont compris l’économie du 21ème siècle 😉
Excellent !
Et tellement vrai. Mais l’industrie du divertissement refusera toujours de jouer le jeu de cette économie, car elle les rend inutiles. Et ils ne veulent pas abandonner leurs rentes sous prétexte qu’ils sont inutiles aujourd’hui…
En tous les cas, vive Kickstarter et tous ceux qui jouent le jeu du XXIème siècle !
Merci en tout cas pour cet article qui résume parfaitement ma façon de voir les choses ! 😀
Très bon article même si cela me semble très utopiste.
Je suis d’accord sur une chose, c’est que le modèle économique actuel finira par s’effondrer au profit d’un autre moins chère pour les clients finaux.
La technologie permet de diminuer les coûts de fabriaction voir les annuler dans le cas du digital, mais ce n’est pas pour autant que les producteurs vont répercuter cela sur les prix car ils n’ont tout simplement pas intérêt à le faire, il est certes question d’offre et demande mais pour moi la solution de l’équation est un troisième élément : la concurrence.
Ce fut le cas des banques à la suite de l’apparition des banques en ligne, c’est le cas avec les opérateurs de télécoms avec l’apparition de forfaits illimités à 20 euros, ce sera surement le cas dans l’industrie du divertissement avec l’apparition de nouveaux modèles économiques basé sur le streaming et la consommation à la demande.
Mais tant qu’ils ne sont pas « contraints » par le marché, c’est à dire une offre concurrente légale et moins chère. Les acteurs classiques n’ont aucun intérêt à changer de modèle économique et utiliseront tous les moyens en oeuvre y compris le lobbie et la justice pour lutter contre les offres « illégales » (piratage).
Tu nous ponds un pavé juste pour justifier que tu pirates en fait 🙂
Donc pour la musique c’est simple, les artistes font des concerts et se rémunèrent là-dessus (à la rigueur, ça je veux bien te l’accorder bien que tu ne sois pas un bon payeur de place de concert 😉 )
Pour les films, on fait quoi : on ne va voir que les adaptions aux théâtres ?
Pour les jeux videos ? On fait pas grand chose là, ou peut-être un paintball pour simuler un FPS.
La dernière partie est parlante : tu est prêt à payer si en contre partie tu as quelque chose de concret (un tee-shirt, une place de concert, …)
Au final, tu nous donnes l’impression de ne pas être prêt à payer quelque chose de « virtuel » dans le sens numérique, tout ça parce que tu considères le prix injuste en face (la preuve est que quand ça coûte 5$, tu les mets)
Je serai curieux d’avoir une étude sur les participants (au sens payant du terme) aux plateformes à la kickstarter. Je mettrai bien une petite piècette sur le fait que ce soit majoritairement des gens qui achètent encore leur CD (si, si, ça existe)
Bref, justifier d’une théorie economique me semble un peu fumeux pour justifier le piratage.
@Nassim
Ce n’est pas une utopie, c’est une réalité. Demande voir aux maisons de disques si elles pensent que c’est une utopie 😉
Tout le problème vient du fait que dans une économie des biens infinis, les producteurs n’ont pas le choix de répercuter les choix sur leur prix. C’est un fait, il tend vers 0. La concurrence ne change pas grand-chose à ça.
Pour le reste, attention à ne pas confondre dématérialisé (intangible) et infini. J’ai bien précisé la différence entre les 2. De même un service illimité (l’exemple des communications) n’est pas un service infini : j’ai une ligne de téléphone ou je ne l’ai pas. C’est définitivement un bien fini donc ça n’a rien à voir avec ce dont on discute ici.
@David
Pour les films je l’ai dit : la solution n’est pas évidente. Cela dit, une place de cinéma c’est définitivement un bien fini, et un DVD aussi. Maintenant pour que ces produits se vendent, il faut qu’ils justifient leurs prix d’achat. Faire payer 10€ une place de ciné pour avoir un écran pas plus grand que celui que tu as dans ton salon, avec une qualité d’image douteuse et des fauteuils inconfortables, ce n’est pas une équation gagnante pour le consommateur, faut pas s’étonner s’il deserte les salles.
Et je ne comprends par pourquoi tu dis que je ne veux payer que des biens physiques. J’achète mes MP3 sur iTunes (je paye la facilité d’accès), mes jeux sur Steam (tout fonctionne en un clic + sauvegarde sur le cloud) et j’achète des bouquins sur le Kindle d’Amazon (en général des auteurs indépendants à qui je veux montrer ma gratitude).
Le tout c’est que je n’achète pas des fichiers, j’achète une infrastructure, une facilité, mon temps, le fait de savoir qu’une partie non négligeable de mon argent ira directement à l’auteur, etc…
Par contre ton argument sur le prix est très perspicace. Si j’ai payé 5$ à Louis CK plutôt que de le pirater c’est aussi parce que je trouve le prix juste. S’il avait fait son truc à 35$ je ne l’aurai surement pas acheté. Ma reconnaissance à son oeuvre a donc une limite, une valeur quantifiable, un prix. A lui de bien faire son pricing!
Enfin David, je ne justifie pas le piratage, j’essaye juste de l’expliquer. Ce qui est fumeux c’est toi (rapport à ta consommation de cloppes 🙂 ).
Il est top cet article, bravo. Ca a dû être compliqué de le formuler correctement.
Mon point de vue était le suivant, le seul moyen de passer un nouveau modèle économique dominant (peut-être celui que tu propose) est que cela vienne sous la pressions de contraintes de marché « légales » (concurrences ou réglementation). Les lobies actuels ne plieront pas devant des actions « illégales » et lutteront contre elles parce qu’on leur donnera raison.
Par ailleurs je suis pas d’accord du fait que dans la mesure ou la duplication du bien ne coûte rien, sont prix doit tendre vers 0. Car d’une part le prix d’un bien ne dépend pas forcément de son coût mais de la valeur qu’on lui accorde (ex: le luxe).
Et un autre point de vue serait de considérer que le producteur répartie simplement le coût initial de fabrication en des milliers, ou dizaines voire millions de petites licences (les reproductions) chacune à un prix qu’il aura lui-même défini, puisque après tout il droit de fixer qu’il veut !
@Nassim,
Tu as tout à fait raison, les industries actuelles feront tout pour éviter de changer de business model. Je crois cependant que le changement est inéluctable, et qu’il ne se fera pas grâce à la législation mais malgré elle. Il n’y a qu’à voir les exemples du passé.
Pour ce qui est des théories du prix, je suis bien d’accord qu’un objet (immatériel ou non) dispose d’un prix et d’une valeur, qui sont deux concepts différents qui ne sont corrélés que dans certains cas. Si on se situe dans le cas précis d’un fichier MP3 que je veux écouter, il a une valeur certaine – sinon je ne voudrais pas l’écouter – qui à mon sens n’influe pas vraiment sur son prix. Si tu as un exemple d’une ressource infinie qui pourrait disposer d’un prix supérieur à 0 sur le simple principe que sa valeur est grande, malgré son cout marginal nul, je suis preneur.
Enfin, pour ce qui est de la gestion du cout initial, c’est une question de business model. Tu peux considérer qu’un producteur peut fixer le prix qu’il veut, tu peux essayer de facturer tes clients 10’000€ par jours, c’est ton libre choix, mais je doute de la sagesse de faire ce genre de choses. Ce que je dis c’est juste ça : les clients s’en moquent de savoir que ça t’a couté 1 millions d’euros pour construire ton restaurant (cout initial), ils vont juger ton prix face à la prestation que tu offriras lors du repas de ce soir (cout marginal). C’est encore pire dans l’économie des biens infinis, dans laquelle tes clients savent très bien que ton cout marginal vaut 0.
Très bon article.
Cependant, je souhaiterais juste que tous les auteurs français se renseignent un peu, _et arrêtent de présenter Kickstarter comme un Saint Graal_ alors qu’il ne permet pas à des personnes résidant en dehors des USA de soumettre un projet !! (par contre, il les autorise parfaitement à payer pour les projets des autres, et donc de remplir les caisses de Kickstarter via la commission qu’il prennent sur chaque projet).
J’irai même jusqu’à dire que ça va contre l’esprit original du crowdfunding.
Faire l’apologie de plateformes qui n’ont pas ce (gros !) défaut et sont mondialement ouverte comme IndieGoGo ou Ulule serait plus pertinent.
Alors je suis parfaitement d’accord avec l’ensemble de l’article, mais je suis aussi tiraillé car je connais des auteurs de BD/manga, et eux lorsqu’ils se font pirater ils ne peuvent pas vraiment offrir plus de presta que dessiner d’autres ouvrages (qui eux-même se font pirater, etc etc). Donc on est d’accord que les musiciens, on va dire c’est le cas « facile », celui qui gueule le plus contre le piratage (avec les films) mais qui ferait mieux de se taire car mine de rien ils ont la possibilité de faire beaucoup de fric juste avec les concerts ^^
Mais les auteurs et les films je pense que c’est bien plus difficile de trouver une échappatoire. Il y a toujours les dédicaces, les festivals, les conneries comme ça, mais ça rapporte quand même bien peu d’argent comparé à l’équipe qui peut être derrière une BD et où il faut faire vivre plusieurs personnes juste sur ces ventes. De toute manière l’industrie du livre est sur le déclin, aucune des parties qui font un livre ne gagne beaucoup d’argent. C’est un monde, pour un bien qui peut nous faire passer plusieurs heures de bonheur calé au fond de son plumard !
Concernant les films, comme indiqué dans l’article de toute manière, le box office bat des records chaque année malgré des productions vraiment bof, donc je pense que c’est plus sur ça que devrait se reposer les acteurs etc. Puis bon, comme disait Alexandre Astier : « un comédien ne devrait jamais rester éloigné des planches trop longtemps, car c’est sur les planches qu’on progresse vraiment… Au cinéma, on ne fait qu’exploiter ce qu’on a déjà sans jamais s’améliorer, mais sur les planches on est proche du public, et il sera intransigeant sur un oubli de texte ou une scène mal jouée, donc le théâtre oblige le comédien à toujours se surpasser ». Bon c’est pas forcément vrai, je pense qu’on peut progresser au cinéma, mais peut-être la courbe est-elle moins violente qu’au théâtre en effet ^^
Après j’aimerais réagir sur ce qu’a dit David Joubert : je suis un participant (assez) actif sur Kickstarter, j’achète vraiment, mais vraiment très très peu de CD. Et encore moins de musique en général. Par contre j’en pirate beaucoup. Et les piratages que je fais du côté de la musique me permettent d’acheter des jeux vidéo (depuis peu je suis complètement piégé par Steam et ses promos agressives et du coup j’arrête pas d’acheter du démat’, mais avant je prenais quasiment toujours des versions boîtes ^^). A mon avis il y a aussi une balance qui se crée, l’argent non dépensé par le piratage n’est jamais perdu, c’est juste qu’il se retrouve chez un autre acteur du divertissement. Mais empêcher le piratage ne fera pas augmenter subitement les revenus de tout le monde, car l’argent restera une denrée rare à utiliser avec parcimonie…
Comme je disais, le fait de pirater de la musique me permet de faire vivre d’autres acteurs qui, à mon sens, ont plus de mal à trouver une échappatoire : je vais au ciné, j’achète mes jeux et mes livres… Sur 4 acteurs principalement piratable, bon allez on va dire 5 avec les éditeurs de logiciels, il y en a quand même 3 que je fais vivre au dépend de deux autres (encore que les éditeurs de logiciel je les pirate pas vu que je prends du libre autant que faire ce peut). Et lorsqu’un artiste me plaît vraiment énormément, comme dernièrement j’ai découvert Shaka Ponk, si j’ai l’occasion de payer pour un (voire plusieurs) concert, je le ferai de bon coeur. Il reste une balance économique, et chez chaque pirate que je connais c’est le cas.
Excellent article mais je me pose une petite question : ne devrait-on pas parler de biens rivaux ou non rivaux et non pas de bien fini ou infini ? Je n’ai jamais rencontré ces termes dans aucun document d’économie à vrai dire.
Sinon, il y a quand même quelque chose qui me dérange avec Kickstarter et ce genre de principe. On offre le choix de ce qui est culturellement bon au peuple en règle générale. C’est à mon avis une erreur. On s’apperçoit déjà qu’Internet a apporté ce que l’on peut qualifier de culture du pauvre et culte de la personnalité, faisant passer au hit parade des choses étiquettées intéressantes et culturelle un cochon qui joue de la trompette, bien devant un groupe talentueux qui essaye de percer.
De plus, le peuple en général n’est pas apte à juger de ce qui est artistique et un musicien ne fait pas forcément de la musique pour un public, mais pour lui même et par passion. En court-circuitant la possibilité de faire vivre des artistes qui n’ont pas été choisi par le public (c’est en réalité déjà le cas avec la main mise des majors et le dictat de la bouze musicale et culturelle), on se prive d’oeuvres qui ne seront comprises ou appréciées que plus tard. Les exemples dans la musique sont légion.
Au contraire, cela veut dire que pour que des artistes de qualité (et je parle en tant que musicien, pas en tant que lamda qui écoute de temps en temps la radio), c’est mission impossible pour être choisi par les internautes. On dit adieu au Jazz et autres musiques non populaires (au sens encensé par la masse) et on doit revenir à un système de mécenes. C’est à dire quelqu’un d’influent et d’assez riche pour financer des artistes. On fait, c’est plus un retour à l’obscurantisme et à l’Ancien Régime qu’une réelle avancée.
N’oublions pas aussi que le métier de musicien est probablement le métier le plus dur du monde de par l’implication qu’il requiert et le temps qu’il prend. C’est un autre débat mais je tiens à le préciser, surtout lorsque l’article essaye de ramener l’artiste au caissier de supermarché, ce qui me choque au vu de ce que l’on doit aux artistes dans notre société.
En guise de lecture (et en règle générale c’est une excellente parution) :
http://www.books.fr/archives/numero-7/
Et plus particulièrement : http://www.books.fr/philo-et-idee/le-culte-de-lamateur-614/
@Ywen : Merci du retour, article mis à jour en conséquences 🙂
@Karl : Pour les auteurs de BD et Manga, le bien évident c’est l’objet BD, le livre. Maintenant il est clair que seuls les très bons arrivent aujourd’hui à vendre assez pour vivre. Ce marché semble douloureux, mais certains ont l’air de s’en sortir malgré tout (édition Soleil, bloggeurs type Boulet ou Pénélope…).
Et merci pour la citation d’Alexandre Astier, j’adore le personnage !
@Aquemy : Pour la question de la nomenclature, je suis partagé entre le fait que ma connaissance de la théorie économique est vraiment légère, et le fait que ce sont des notions nouvelles qui ne sont donc pas encore forcément nommées. Je vous laisse juge 😉
Pour ce qui est de la discussion de la valeur de l’art et de l’éducation de la population, c’est un débat dans lequel je ne rentrerai pas. A mon sens les changements apportés par Internet et la dématérialisation de la musique ne font qu’ouvrir de nouvelles opportunités, surtout pour des artistes élitistes qui n’ont qu’un petit auditoire (cf la longue traine / the long tail)
Je ne crois vraiment pas que ces nouvelles plateformes de crowdfunding seront la solution unique qui permettra aux musiciens de se financer. Il restera toujours les maisons de disques – qui devront évoluer dans leur rôle pour accompagner les musiciens qui n’ont vraiment aucun sens du business – le mécénat – qui a toujours eu un rôle prépondérant dans le développement de l’art, les petits concerts au bar du coin, et aussi les associations diverses avec le monde de l’entreprise, que ce soit la pub ou l’animation des séminaire, etc, etc…
Faire de la musique c’est dur mais c’est une passion. Vouloir en faire son métier ça a un coût qu’il faut savoir payer. Nous, les drones de bureau, on l’a peut être plus facile, mais avoir la passion de notre métier c’est beaucoup, beaucoup plus difficile, et ça nous demande un effort énorme pour l’entretenir.
Tu peux noter que pour le cinéma, ce n’est pas aussi flou que tu semble le dire. Laplace de cinéma n’est pas rivale.
C’est cool, maintenant que tu ne fais plus de BI pour MS, t’as le temps d’écrire des articles intéressants :).
C’est pas mal ces concepts de ressources finies, infinies (j’ai pas spécialement de notions en économie) et je me suis aperçu en lisant l’article qu’effectivement, la démocratisation du Web a changé énormément de chose (notre mode de consommation est particulièrement visé par ton article). Même si je ne suis pas vieux, j’ai bien conscience d’un changement entre avant et maintenant (la notion d’ « avant » dépend du référentiel de chacun je vous l’accorde).
En fait, la lecture de cette article et de ses dépendances soulève tout un tas de questions (ma tête va exploser tellement je pense à des trucs).
Je prendrai un point en particulier et qui revient régulièrement tâche de fond sans trop le nommer : la capacité de consommation, en termes de moyen (moyen financier [le mot à la mode pour le décrire dire c’est pouvoir d’achat] et moyen temporel). En ce qui concerne la première, elle est finie (pour une grande majorité des gens en tous cas). Comment faire, du point de vue du consommateur, pour maximiser (je reviendrai sur cette notion plus tard) sa consommation par rapport au budget (j’aime pas ce mot, mais on va dire qu’il fera l’affaire) disponible ? Parce que finalement c’est ça qui permet l’essor de l’économie de l’abondance. Plutôt que de faire un choix, je décide de ne pas faire de choix, ou en tous les cas, je lève le plus de contraintes possibles. Du coup, je consomme à moindre coup : si je tends vers le moindre coup, on tend vers zéro (gratuit ou quasi gratuit). Le Web, via de nombreux procédés, citons les principaux que sont la dématérialisation et les vitesses de communication, a été le vecteur de ce non choix (en tous cas pour les domaines qui reviennent dans les commentaires : musique, film, etc). Mais là-dessus on se dit : tu as tout faux, je ne suis pas dans le non choix, je fais bien une sélection. Et on le voit dans les commentaires lorsque Karl dit que « l’argent du piratage n’est jamais perdu » : c’est juste que l’on va réattribuer nos capacités budgétaires vers d’autres secteurs (toujours de Karl : « c’est juste qu’il se retrouve chez un autre acteur ») : donc on fait effectivement un choix. Tout à fait d’accord, c’est juste que le curseur de nos capacités dans nos choix s’est déplacé : ces choix seront dictés par d’autres biais et c’est à mon sens ce qui a beaucoup changé entre le « avant » du début et le maintenant. Vu que je peux consommer sans coût ou presque, qu’est ce qui détermine ma capacité de choix ? Et bien c’est une chose que nous avons tous en commun et en même quantité (ramené à la journée car sinon on pourrait s’embarquer dans des discussions philosophiques sur la mort tout ça tout ça) : le temps. Au final, la maximisation de nos capacités de consommation se fait maintenant principalement sur cette mesure, et moins sur les ressources monétaires disponibles : c’est le fameux mouvement de curseur dont je parle juste avant et c’est l’un des principaux apports de l’économie de l’abondance. Je vais prendre un exemple : mon grand frère et ma grande sœur ( entre 35 et 40 ans, des vieux maintenant, donc des jeunes d’avant) possédaient à tout casser 100 CD (ce qui est déjà pas mal). Le petit frère que je suis maintenant ne peut même plus les compter. Ce qui a changé ? Le positionnement du curseur : je ne suis plus limité principalement par mon argent, mais par le temps mis à ma disposition pour télécharger et écouter. Du coup, mes choix sont moins restrictifs, je pourrai dire qu’ils sont plus faciles, mais je préfère le terme moins nombreux (donc des non choix) : la chanson me plaît ? Je prends l’album. L’album me plaît ? Je prends la discographie (dont je n’écouterai probablement que l’album qui m’a plu). La discographie est géniale ? Je prends tous les albums de tous les artistes se rapportant à ce groupe dans la même époque. Il n’y a qu’à voir le nombre de séries que mes ami(e)s (et petite amie) sont capables de suivre en même temps. Je m’arrête ici pour le point de vue du consommateur (l’adaptation de nos demandes par rapport à une offre infinie et les capacités de consommation). Du coup, maintenant que leurs limites de consommation ont changé, comment être certain de s’attribuer la majeure partie du budget de mes consommateurs (je bascule de l’autre côté, celui de l’offre) ? Parce que dans une première étape de réflexion on pourrait se dire que la capacité de temps de mon consommateur n’a pas d’importance, ce qui compte c’est qu’il dépense chez moi (ce n’est pas tout à fait vrai, mais pour le moment passons). D’autant plus que mon offre est devenu infinie. On revient finalement à l’inévitable adaptation des business model dont il est question dans les commentaires ci-dessus. Pour résumer, l’économie de l’abondance a fait que nos limites de consommation ont changé de manière à favoriser… l’économie de l’abondance : un cercle… vertueux ? La clé sera de devenir aujourd’hui une entreprise qui doit s’accaparer cette économie de l’abondance pour attirer à moi les consommateurs et leur budget. On en revient à l’idée que, comme cela a été dit, cette économie de l’abondance doit servir de vecteur pour vendre le produit (la chanson gratuite sur le net pour vendre du concert, etc…). C’est justement ce qui pose problème par exemple au cinéma : si le film est un constituant de mon économie de l’abondance, que vais-je vendre derrière ? Proposition de solution : je vais vendre une et une seule chose mais en grande quantité afin de continuer à profiter de l’économie d’échelle. Certes elle participera à cette économie de l’abondance, mais vu que je vais la vendre en plus grande quantité, mes revenus resteront stables au pire, augmenteront au mieux. Voilà pourquoi aujourd’hui, on explose les records d’entrées au box-office pour les films : tout le monde va voir les mêmes choses, tout le monde écoute la même chose (« On dit adieu au Jazz et autres musiques non populaires » acquemy). J’avoue que le raccourci est facile et je ne prétends pas expliquer économiquement l’uniformisation des cultures, mais cela laisse à penser et soulève d’autres débats. Autre proposition : j’augmente mon budget marketing. Comme je ne vais compter que sur un produit, je mise à fond dessus (matraquage publicitaire pour des produits comme Prometheus, Batman 3, Call of Duty, l’album de Lady Gaga, l’Iphone 4, etc…). Encore une autre proposition : j’augmente mon offre de service qualitativement et quantitativement (goodies, bonus, etc…). Bref, on voit bien que le marché est en train de s’adapter et se cherche, mais je continue de penser que c’est à nos dépens et qu’une économie de l’abondance ne favorisera pas nos choix et nos libertés.
Tu donnes mal de tête Patrice
Pour la nomenclature, le terme usité dans le domaine est bien : biens rivaux.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Biens_rivaux
Il me semble que c’est clairement ce qui est mis en avant ici.
De même, il aurait été intéressant d’introduire les notions de coûts fixes, coûts spécifiques et coûts variables. En effet, dans le cas de biens dématérialisés avec un coûts marginal nulle (et plus généralement des coûts variables faibles ou nuls) le seuil de rentabilité est atteint bien plus vite ! Cela rentre en compte dans le processus de commercialisation.
@aquemy Merci pour la précision de vocabulaire 🙂
Par ailleurs, le timing est bon puisque Techdirt vient de sortir le livre qui reprend la série d’articles sur le sujet, en PDF. Et vu qu’ils assument leurs idées, il est disponible à partir de 0€ (utiliser la case pour saisir son prix).
C’est par ici : http://rtb.techdirt.com/products/approaching-infinity/
Profitez en!
Tous ce que je vais dire dans le commentaire suivant me semble plus ou moins valable quel que soit les biens de consommations. Ceci étant dit, le propos que je vais tenir est volontairement caricatural, simpliste, ironique et ne s’appuie aucunement sur un raisonnement étayé par des principes de fonctionnement d’une quelconque théorie de sciences économiques (voire sur un quelconque raisonnement tout court !)
A ma décharge, je suis titulaire d’une vieille maîtrise de sciences économiques, j’ai donc suffisamment étudié dans ce domaine pour savoir que la vérité est ailleurs que dans les théories à la con qui sont reprises pour justifier les propos tous plus ineptes les uns que les autres des « experts » de mes deux qui étalent leur mensonges et autre justifications foireuses des politiques économiques (ultra)libérales qui sont menées quasiment partout et qui ne font qu’aggraver sans cesse les inégalités au sein de la société.
Je me place donc ici sur un autre terrain pour réagir à cet article, qui, s’il est intéressant sur le fond, me semble tomber dans un travers manifeste en voulant absolument s’appuyer sur des principes économiques (théorie de la valeur, mécanisme de formation du prix…) pour expliquer pourquoi certains téléchargent des « produits » culturels et pourquoi le modèle économique lié aux produits en question est en train de changer et voué à se transformer, ne parle pas de ce qui me parait être le problème sous jacent.
Pourquoi achetons-nous ou piratons-nous dans le but d’accumuler toujours plus alors que concrètement ça nous fait perdre un temps fou ? D’autant plus que notre temps sur terre est presque aussi limité que notre sens de la mesure. C’est donc très regrettable et bien pire que le simple fait de savoir si on dépense de l’argent pour ça. En effet, si on excepte les personnes qui possèdent un niveau élevé de richesse et dont le principal soucis concernant l’argent est de savoir comment en accumuler toujours plus sans trop savoir pourquoi (alors que concrètement elles n’en auront plus besoin une fois décédées, mais c’est tellement évident qu’elles préfèrent justifier ça autrement), parmi celles qui restent (=les gens) à part les personnes un peu trop naïves (=beaucoup de gens), lesquelles ont apporté leur soutien à l’ancien « champion du monde de la faute de français à heure de grande écoute », personne (=pas assez de monde d’après moi) ne croit vraiment que « travailler plus pour gagner plus dans le but de dépenser plus » est une fin en soit.
Partant de là, vu que nous n’avons pas forcément le choix (chômage, salaire pas toujours formidable voire tout pourri pour certains, loyer exagérément élevé du fait d’un marché immobilier qui montre bien que qqch ne va pas du tout du tout) nous nous adaptons aux contraintes de l’économie de marché qui marche sur la tête.
Parfois on choisit de manière judicieuse de ne pas acheter parce qu’on se rend compte qu’on a pas forcément besoin de ce « truc » (MP3 de Rihanna/ColdPlay/Cochon en image de synthèse pas mignon, livre de BHL/Dan Brown/T5 de Harry Potter ou de Twilight, abonnement à L’Express/Le Point/Nouvel Obs, Science et Mort…DVD des ch’tis qu’on a vu donc qu’on regardera même pas ou alors une fois en feuilletant le catalogue IKEA parce que finalement c’est pas vraiment drôle les ch’tis, ça fait au mieux sourire, au pire on ose pas dire que c’est mauvais parce qu’on l’a acheté, mais je m’égare…)
D’autres fois, nous croyons être plus malin, ce qui par principe est une grave erreur. En effet selon le fameux principe de Peter Clever relatif au comportement des agents économiques qui se croient plus malin que les autres : « si tu crois que tu es plus malin que les autres, rappelle-toi qu’ils croient la même chose, les autres, et qu’ils n’ont pas plus de raison que toi d’avoir tort ou raison, donc ça s’annule ! ») Donc dans ce cas là nous attendons que ça soit moins cher (soldes, promos, jours fous/en or/en or fou…) en nous disant que franchement à -50% c’est une affaire/occasion en or/c’est fou !(alors qu’en fait nous avons juste eu droit à une dose un peu moins importante de gros sel, mais nous nous sommes pourtant fait refiler une connerie étiquetée « Produit Culturel » parce que ça vient d’un supermarché marketé « culturel ».
Ainsi, en s’intéressant principalement au prix et à sa formation, au niveau qu’il a, ou devrait avoir, nous oublions parfois de faire le tri, on ne peut que constater que nous n’avons de toute façon plus le temps pour ça, vu que celui-ci est occupé à accumuler toujours en encore plus.
Nous nous gavons comme certains se gavent de nourriture et lorsque nous n’avons pas le temps de consommer nous jetons ou laissons pourrir indifféremment dans un coin un paquet de biscuit, des actimel (qui ne sont pas meilleur pour la santé que le yaourt de base, sauf que c’est vachement moins bon), ou alors un CD de Christophe Maé que nous avions acheté sans trop réfléchir « parce qu’on sait jamais » ça peut toujours servir/se manger/s’écouter en passant l’aspirateur.
En conclusion, je pense que nous avons perdu le sens des réalités (à moins que nous ne l’ayons jamais eu ?). Nous nous focalisons sur la quantité et pas la qualité et nous en arrivons à chercher une explication voire une justification au comportement de vilain petit pirate alors que le problème n’est pas là, mais plutôt de savoir à quoi ça sert tout ça. Mon point de vue, évidemment c’est que finalement ça ne sert pas à grand chose et qu’au final on devrait apprendre à s’en cogner et plutôt lire l’essai de Walter Benjamin intitulé « L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique » pour apprendre un truc un peu malin avec des morceaux d’intelligence dedans (n’aie pas peur c’est court même s’il faut sortir ses neurones de leur boite pour réussir à lire un truc qui n’est pas une compilation de lieux communs produisant généralement des textes qui manquent de consistance dans la mesure ou on peut souvent trouver une antithèse qui dit le contraire sans que cela nous choque, comme la plupart des articles qu’on trouve sur le net ou dans la presse écrite, ou la plupart des blabla des hommes et femmes politiques de presque tous les bords. Ça vaut pour Hadopi, la théorie économique qui justifie/dénonce le piratage et les points de vue contradictoires des acteurs du marché de la culture de masse parmi lesquels on trouve des chanteurs et acteurs défendre les deux camps opposés sans comprendre pourquoi on est déçu par « untel qu’on aimait bien » ou agréablement surpris par « l’autre naze qu’on ne peut pas sentir avec sa chanson de merde ».
Romuald, je ne sais pas ce que vous fumez (ou buvez) Patrice et toi, mais mettez-moi une dose de côté. Manifestement ça détend bien les neurones 😉
Tu ne m’en veux pas de ne pas te répondre, malgré tous mes efforts, je ne comprends rien à ce que tu nous racontes 🙂
Mince, je suis déçu, si vous n’avez pas saisie le sens de mon commentaire, c’est que je n’ai pas énoncé clairement mon idée alors… Et j’ai fait des efforts pourtant. En résumé et pour faire simple, le sens de ma pensée était d’étendre le débat, en le sortant de sa bulle économico-économique en proposant un autre axe d’analyse favorisant l’essor l’économie de l’abondance (notre capacité de consommation) et en tentant une ouverture sur les modes possibles d’exploitation de ce nouveau modèle par les entreprise par rapport à cet axe, car je trouve que l’article se suffit à lui-même sur les autres points. Globalement, je rejoins Romuald sur l’un de ses points, c’est notre capacité à pourvoir/vouloir toujours consommer plus que nécessaire. ATTENTION, cette phrase, on pourrait en discuter des heures, premièrement sur le pouvoir/vouloir : qu’est ce qui est du ressort du consommateur, quel est son espace de choix, qu’est ce qui lui est dicté ou imposé. Ensuite sur le nécessaire de consommation : quelle est la limite de cette nécessité minimale qui permet de définir un excès de consommation et y’a-t-il une nécessité à consommer. Bref, ne nous étendons pas.
Mon sentiment plus globalement, si je ne me cantonne pas qu’au sujet mon premier message ci-dessus, c’est que de toute façons les entreprises saurons s’adapter et profiter de ces nouveaux modes de consommation afin de continuer à nous faire consommer (toujours un peu plus ?). Certaines y perdront des plumes, d’autres vont émerger. Je ne crois pas à une transformation si profonde de leurs modes de fonctionnement, comme cela a pu être suggéré dans les commentaires. Je préfèrerai me tromper, que les cartes soient vraiment redistribuées et que l’on en profite pour trouver d’autres concepts économiques et sociologiques. Mais je n’y crois pas trop. Je vais faire un rapide corollaire avec la crise financière dont les conséquences auraient dues nous pousser à changer notre mode de fonctionnement sur ce sujet : qu’est ce qui a vraiment changé depuis ? Une prise de conscience de la part des masses certes, mais qu’est ce qui a profondément évolué ? De mon point de vue : rien. Bref, j’ai un regard bien pessimiste sur ce sujet.
Et sinon, je t’ai préparé un petit pochon de ce que l’on consomme chez IS… tu m’en diras des nouvelles 🙂