Revue : Peopleware (3rd Edition) par Tom DeMarco et Timothy Lister

Couverture Peopleware 3rd editionPeopleware, Productive Projects and Teams (3rd Edition) – (Amazon.fr) par Tom DeMarco (Wikipedia) et Timothy Lister (Wikipedia)

Je continue dans la série des revues pour vous parler d’une référence dans le domaine du management d’équipe et de projet : il s’agit bien entendu de Peopleware. Ecrits par 2 consultants légendaires en gestion de projets et organisation d’équipes, c’est un condensé de ce qu’il faut faire pour motiver sa troupe et réussir ses projets informatiques.

Je vais faire court : si vous êtes ou voulez devenir manager IT, quel que soit le domaine, c’est un incontournable. Dedans une grosse dose de bon sens délivrée en courts chapitres de quelques pages, un vrai plaisir à lire. Ça parle RH, vie de bureaux, relations interpersonnelles, construction d’équipe, mise en place d’organisations inscrites dans des cercles vertueux…

Morceaux choisis :

  • Il faut arrêter de croire que nos métiers sont centrés autour des technologies. Les chercheurs qui font les découvertes fondamentales de nos domaines sont ceux qui travaillent effectivement sur les technologies. Nous, nous ne sommes que les utilisateurs des technologies qu’eux développent. Et à ce titre nos métiers sont donc plus centrés autour des relations humaines qu’autre chose. (p5 )
  • Les statistiques sur la lecture sont particulièrement décourageantes. Le développeur moyen ne possède aucun livre sur son domaine d’expertise, et n’en a même jamais lu un. (p11, Vous en êtes où du DWH Toolkit? ;))
  • La qualité, bien au-delà d’un simple prérequis de l’utilisateur, est une mesure de haute productivité. (p21, cf le Lean)
  • La fonction d’un manager n’est pas de faire que les gens travaillent, mais de faire qu’il soit possible qu’ils travaillent. (p34, on ne doit pas motiver, mais plutôt limiter la démotivation…)
  • Loi de Gilb : tout ce qui doit être quantifié peut être mesuré d’une manière qui est meilleure que de ne pas le mesurer du tout. (p58, on parle qualité, satisfaction… à prendre en compte dans les ROI et décisions stratégiques en plus du numéraire)
  • Par exemple : le « E-Factor » = Nb heure de travail ininterrompu / Nb heure de présence physique. (p64, à utiliser pour vérifier qu’un environnement n’est pas trop toxique au travail)
  • L’effet pervers d’un taux de turnover élevé (cycle des démissions/recrutements) et qu’il s’auto-entretient. Les collaborateurs partent vite donc il n’y a pas d’intérêt pour l’entreprise à investir sur eux. Mais s’il n’y a pas d’investissement, les collaborateurs démissionnent rapidement. (p120)
  • Le but de la constitution d’une équipe n’est pas d’atteindre un objectif, mais de définir et travailler vers un objectif commun. (p136)
  • La short-liste des techniques pour détruire une équipe : management défensif, bureaucratie, séparation physique, fragmentation du temps de travail sur des projets multiples, réduction de la qualité du produit, fausses deadlines, micro-management. (p144, avec du détail sur chacun des points)
  • La liste étendue des techniques pour détruire une équipe : primes annuelles sur objectifs, management par objectif, récompenses individuelles, et plus globalement tout ce qui tourne autour de la mesure et la gratification des performances. (p157, toujours avec le détail sur place)
  • A l’inverse, la liste des activités qui contribuent à l’équipe: faire de la qualité un culte, permettre à tous de comprendre le pourquoi de chaque décision, construire un sens de l’élitisme, encourager l’hétérogénéité, préserver et protéger les équipes qui gagnent, apporter une vision stratégique mais laisser le champ libre au niveau tactique (p168, toujours avec le détail sur place)
  • Les bonnes méthodes pour atteindre une convergence sur les pratiques sont : les formations, les outils d’automatisation, les revues par ses pairs. (p180)
  • Le péché ultime du management c’est de faire perdre son temps à quelqu’un. (p193)
  • Le changement ne peut se produire que si les collaborateurs se sentent en sécurité. (p208)
  • Une organisation peut apprendre de 2 façons : elle instille des nouvelles compétences et approches à ses membres, ou elle se redessine pour opérer d’une manière différente. (p212)
  • Dans tous les cas, la maturation d’une organisation est limitée par sa capacité à conserver ses membres. (p212)

Je recommande chaudement !

Peopleware, Productive Projects and Teams (3rd Edition) – (Amazon.fr)

Consultants Juniors, Confirmés, Séniors, quels critères pour quantifier l’expérience?

On avait déjà évoqué ensemble les différents choix de carrière pour un consultant décisionnel – ou plus généralement pour n’importe qui travaillant dans l’IT – et j’étais passé assez rapidement sur la montée en séniorité.

Je reviens donc sur le sujet, pour clarifier ma vision de ces différents sous-titres qui ornent nos cartes de visite.

Petit consultant deviendra grand…

Par niveau, je vois les choses comme ça :

> Débutant / Stagiaire

  • 0 expérience
  • En cours d’apprentissage
  • Contre-productif, coûte du temps sans en rapporter avant 3 mois d’activité

> Junior

  • 1 à 2 ans d’expérience
  • Est capable d’exécuter le travail unitaire qui lui est demandé
  • Quasiment aucune autonomie, doit être piloté quotidiennement

> Confirmé

  • 3 à 4 ans d’expérience
  • Est autonome dans son propre travail de bout en bout
  • Nécessite un point de référence quand les choses se corsent

> Sénior

  • 5 à 10 ans
  • Pilote les travaux unitaires des autres pour l’élaboration d’une solution complète
  • Connaît à l’avance les points durs et sait les contourner

> Vieux de la vieille

  • 10 ans et +
  • Plutôt rares, en général on évolue vers du management, de la direction ou on change de domaine d’activité (séniors multi domaines)
  • Il ne craint personne, on ne la lui fait plus, mais attention à ne pas trop s’aigrir!

Combien d’XP pour le prochain niveau?

Notez que pour moi l’expérience se calcule à la mode Joel Spolsky, et que la durée nécessaire varie évidemment d’une personne à l’autre. Pour les anglophobes, les critères du père Spolsky sont les suivants :

  • On compte toutes les activités de développement, le design d’interface, le QA (les testeurs), les taches d’administration et production…
  • Pour les fonctions méta, le management, le marketing et la vente, on les compte si elles sont précisément dans le secteur que l’on veut qualifier (édition, décisionnel, webdev…)
  • On ne compte pas ce qu’il se passe pendant l’école. Exception de mon côté pour les apprentis dont je compte à 50% le temps passé en entreprise.
  • Pénalité sur les tâches répétitives qui sont ramenées à 1 année (3 ans en régie à faire la même chose ce n’est pas 3 ans d’expérience mais 3 fois la même unique année).
  • J’ajoute également un facteur sur la qualité de la veille technologique du collaborateur. Un développeur abonné à des flux RSS de bloggeurs, ou bloggeur lui-même, qui participe à la communauté, gagnera forcément un bonus par rapport à celui qui subit sa carrière.

Notez également qu’au-dessus de Sénior je ne mets pas Manageur. En effet Manageur est un type d’activité, dans lequel on peut être junior, confirmé ou sénior (confère encore les carrières).

Ce message s’adresse en partie aux consultants, pour savoir se situer en dehors de la surenchère des SSII dont c’est un levier pour faire grimper le taux de facturation (ainsi que compenser l’absence d’augmentation de salaire), mais également aux clients.

Pour ces derniers, ne vous attendez pas à ce qu’un consultant avec 2 ans d’expérience vous implémente une solution de bout en bout s’il est laissé tout seul sans encadrement. Soyez dubitatifs si c’est un confirmé qui est sensé encadrer 2 développeurs juniors. A force de vouloir tirer les prix vers le bas, vous voilà sous-équipés pour réussir.

La Dream Team, Basketball USA aux Jeux Olympiques de 1992

A vous de savoir assembler la dream team (ça ne nous rajeunit pas) !

Si votre projet est relativement simple, vous pourrez complétement vous appuyer sur des confirmés à la tête bien faite. Mais si le périmètre est suffisamment large pour nécessiter le déploiement de juniors, ou si le sujet fonctionnel est reconnu comme complexe, vous ne pourrez pas vous passer d’un sénior.

Même si ça paraît cher, il vaudra toujours mieux intégrer un sénior au 2/5ème à votre dispositif plutôt que prendre 6 mois de retard et livrer une solution de mauvaise qualité qui ne satisfera pas le besoin.

4 liens rapides pour la semaine (2012-28)

J’enchaine 🙂

  1. Un très bon article de Vanity Fair sur la culture d’entreprise qui a fait perdre ses 10 ans d’avance technologique à Microsoft. A illuster avec ces graphiques d’Asymco.
  2. Une excellente idée d’un des derniers prix Nobel d’économie : mettre les banquiers en prison! Judicieux quand on voit ce que donne le pouvoir sans responsabilité.
  3. Une petite citation rapide de Steve Jobs. Ça fait pas de mal.
  4. Un article intéressant de DHH (corrigé @14h19) de 37 Signals. Il parle des niveaux d’inspiration lorsqu’on travaille sur une solution technique. Son message: il faut que tous les acteurs autour de la table soient au même niveau d’attente, qu’ils aspirent tous au même résultat, pour que le tout fonctionne. Je reprends son dessin ci-dessous:

C’est définitivement un axe d’analyse intéressant pour classer ses différentes équipes projet, autant en terme de compétence (le niveau maximal qu’elles sont capables d’atteindre) que d’investissement à l’instant t (le niveau auquel elles opèrent sur chacun de leurs projets en cours)!

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4 liens rapides pour la semaine (2011-18)

Une fête du travail un dimanche? C’est bien dommage!

  1. Un article de Matthew Stewart qui remet en cause les théories du management. C’est long mais assez jubilatoire.
  2. Par Jeff Atwood (Coding Horror), une méthode particulièrement bien pensée pour maintenir l’attention et l’intérêt de tous à l’exploitation (les équipes informatiques qui maintiennent en état opérationnel les applications existantes). C’est une bonne idée qui traite un vrai problème, celui de la conservation de la compétence dans une activité répétitive et laborieuse mais critique.
  3. Le CEO de Bose qui offre 51% des actions de sa société au MIT (possiblement la meilleure université technologique au monde). Ça c’est une belle manière d’ajouter une fonction à valeur sociale à son entreprise…
  4. Joel Spolsky qui parle du déjeuner au boulot et je suis assez d’accord avec ce qu’il dit. Pour moi un des signes qui indique que je dois changer de mission c’est quand déjeuner avec les gens avec lesquels je travaille devient une corvée.

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