S’ouvrir l’esprit

C’est en lisant l’article tout récent de Troy Hunt que j’ai mis des mots sur une sensation ressentie dernièrement:

There’s this odd thing that tends to happen in many peoples’ careers and I suggest it’s particularly prevalent in technology: you get really, really good at something and then it hits you – you have to stop it. Well actually, you could continue doing it, but not if you want to “progress” against traditional measures such as seniority and income.

En français dans le texte:

Il y a cette chose étrange qui se produit dans la carrière de beaucoup, et qui je crois est prévalent dans la technologie: lorsqu’on devient vraiment, vraiment bon dans son domaine, l’évidence se fait: on doit arrêter. En fait rien n’empêche de continuer, mais cela va à l’encontre d’une progression sur des métriques comme la séniorité et le salaire.

C’est d’ailleurs une idée qui se marie très bien avec certaines théories dont on a déjà parlé ensemble, particulièrement le fait que les sur-performeurs ont tendance à rester coincés sur le poste qu’ils occupent (pourquoi les promouvoir, ils sont tellement bons là où ils sont!). Une autre problématique c’est que plus le gap est important entre son niveau d’expertise et repartir à 0 dans un nouveau domaine, plus le cerveau fuit la possibilité: ça fait trop mal à l’égo. Et tout un tas d’autres raisons.

Bien évidemment, rien de dramatique de mon côté: j’aime la BI sur SQL Server et cela reste mon gagne pain principal. Cependant je prends conscience de certains faits: le sujet n’est plus qu’une part minime de ma veille technologique, et au final, les projets excitants qui se dessinent à l’horizon concernent des technologies différentes.

Quels sont justement les sujets sur lesquels je creuse en ce moment? J’en ai déjà parlé:

  • Le Machine Learning, via le parcours Data Science de l’Université John Hopkins sur Coursera.
  • R, le langage de manipulation de données, via le même parcours
  • Python, un langage objet avec une syntaxe simple, pour me remettre gentiment dans le bain du « vrai » développement. L’excellent tutorial pour Python c’est Learn Python the Hard Way
  • L’intégration de données moderne, via des lectures et vidéos dont je vous reparlerai plus tard, à transposer sur Azure avec entre autres Event Hub et Stream Analytics

Evidemment ça fait beaucoup de front, alors j’alterne sur des cycles de 2/3 mois: Coursera, Intégration, Python… Et tant qu’à causer logistique, je me suis équipé de Coach.me, qui permet de rester motiver dans la durée grâce au principe des chaînes/streaks. L’autre nouvelle habitude c’est de pousser mes développements perso sur Github, comme ça je m’améliore aussi sur la partie ALM. L’avantage d’avoir commencé par Coursera c’est qu’une partie des premiers cours était dédiée à Github et au Markdown.

Franchement je m’éclate. L’ensemble débloque des scénarios d’usage vraiment sexy, genre « Internet of Things » (marketing power!), avec par exemple: la mise en place d’un dashboard web qui affiche en temps réel la température de la pièce. Rigolo non?

Pour ça on mélange un tas de technos et c’est ça qui est top:

  • Une board Arduino Yun
    • Jouer avec les composants électroniques pour cabler le capteur
    • La logique embarquée (du pseudo C) pour relever la température chaque seconde
    • Le module wifi pour envoyer le relevé vers Azure, auquel en accède en Python en y intégrant le SDK Azure
  • Côté Azure
    • Paramétrer l’Event Hub en PowerShell
    • Implémenter la logique d’agrégation dans Stream Analytics via du pseudo SQL et une logique de streaming
    • Finalement écrire les résultats dans Power BI avec l’API Rest

Et je vous avoue que voir la courbe de température évoluer en temps réel quand on réchauffe le capteur en le touchant, c’est bête mais ça provoque de la vraie joie!

Tout ça pour dire que je vous dois une série d’articles sur tout ça, et que je m’y mets de ce pas! En attendant, n’hésitez pas à vous y mettre de votre côté. Oui ça peut faire peur toutes ces technos étranges, mais en persévérant ça finit par rentrer 😉

Un sauteur de haie qui oublie de sauter, mais qui finit quand même la course!

Les choses que l’on possède…

Hier, une amie me racontait une histoire étonnante qui s’est déroulée chez son client. Ce client est une entreprise française à portée internationale de plus de 5000 salariés.

C’est l’histoire d’une de ses collaboratrices, ayant plus de 10 ans d’ancienneté, qui s’est portée volontaire à un mouvement en interne auprès du département RH. Elle avait repéré une annonce sur l’intranet pour un poste en parfaite adéquation avec son plan de carrière et avait  facilement obtenu un entretien avec le responsable RH en charge du dossier.

L’entretien se déroule bien jusqu’au moment où le responsable demande un CV et une lettre de motivation à la collaboratrice. Celle-ci répond gentiment qu’elle ne voit pas l’intérêt de produire ces documents alors qu’elle appartient à l’entreprise depuis plus de 10 ans. Le recruteur ne change pas de position et continue d’exiger les pièces. La conversation s’envenime, le ton monte, jusqu’à ce que la collaboratrice quitte l’entretien et renonce au changement de poste.

Je trouve cela affligeant de la part du responsable RH.

Demander un CV à une personne qui est dans sa propre entreprise depuis 10 ans ? Le département RH ne connaît-il pas le parcours de cette collaboratrice ? Est-ce de la fainéantise pour ne pas aller ré-ouvrir les dossiers historiques ou est-ce un attachement déraisonnable à des processus mis en place pour recruter des inconnus ? Parce qu’il ne faut pas oublier que le CV et la lettre de motivation ne sont pas des fins en eux-mêmes, ce sont des documents utilisés dans le but de juger une personne avant de la rencontrer, pour décider si oui ou non on va la recevoir en entretien. Les exiger de la part d’une personne qui a plus d’une décennie d’ancienneté ? Affligeant.

C’est la raison pour laquelle je me méfie toujours des processus, des documents normés et des contrats. Ces créations artificielles, mises en place initialement pour garantir un résultat, ont une fâcheuse tendance à se substituer à l’objectif et à devenir le produit fini. Une documentation est rédigée pour aider l’utilisateur à prendre  en main l’outil, pas pour satisfaire la clause 25 alinéa 3b du contrat de prestation de service, sinon elle perd tout son sens.

Alors de temps en temps je prends le temps de m’écarter du clavier et de réfléchir à ce que je fais. Si je suis en train de réaliser quelque chose qui apporte de la valeur au moins à une personne, tout va bien. Si je rédige une documentation ou réalise une fonctionnalité qui ne servira qu’à satisfaire une clause dans un PDF, j’arrête et je passe à autre chose. Je ne sais pas vous, mais moi je n’ai déjà pas assez de temps pour faire des choses intéressantes, alors je ne vais pas en plus en perdre sur de l’inutile !

Ps : la citation du titre.

Nouvelle mission!

Me voilà parti sur une nouvelle mission! Chouette 🙂

J’aime enchainer les missions courtes, un mois ou 2 c’est bien. Pour moi c’est le meilleur deal: j’ai le temps d’apporter de la valeur au client, mais je n’ai pas le temps d’entrer dans ses conflits politiques internes ni celui de m’ennuyer.

Cette multitude d’expérience est à mon sens l’avantage du consultant. On va chercher un consultant parce qu’il a déjà vu son problème 10 fois, dans 10 contextes différents, résolu de 10 manières différentes. Et la meilleure manière d’obtenir ce recul pour un consultant c’est de changer de mission et de client régulièrement.

Évidemment quand on intervient en mission courte, on a pas le temps de faire dans la dentelle. D’une part les relations avec le client ne sont pas les mêmes, Brent Ozar a une bonne série d’articles sur ce sujet, d’autre part attendre pour une ressource technique devient réellement problématique.

Si sur mes 20 jours de présence j’attends 2 jours pour avoir un poste et 3 jours pour des accès aux serveurs, ça fait 25% du planning foutu en l’air. Les premières fois je l’ai mal vécu: je prenais sur moi d’avoir à délivrer 100% du boulot sur 75% du temps restant. Maintenant c’est terminé. Ce type d’attitude par rapport à ma prestation me fait changer mon approche de la mission. Si d’ordinaire j’arrive avec une quasi obligation de résultat (je m’engage à y arriver), avec ça je bascule à une obligation de moyen (je ferais de mon mieux). Si ça rentre tant mieux, sinon on avisera (travail incomplet ou rallonge). Et mon stress va beaucoup mieux, merci 🙂

Quand on y pense, à ce niveau de prestation (et à ce tarif), c’est quand même dommage de perdre l’engagement de son prestataire dès les 3 premiers jours de mission, surtout pour des ressources qui auraient pu être commandées 3 semaines en avance. Si on va plus loin, en fait ce n’est que rarement une erreur d’inattention, c’est en général plutôt un vrai symptôme de dysfonctionnement du service, voir de l’entreprise. Et c’est souvent le premier indice que cela risque de mal se passer, à surveiller donc!

 

4 liens rapides pour la semaine (2011-11)

C’est reparti!

  1. Une super vidéo du TED 2011 : Salman Khan à propos de la Khan Academy. C’est le genre de vidéo qui révolutionne sa vision des choses.
  2. Une petite pique de The Oatmeal à destination des web-développeurs qui nous infligent des paniers catastrophiques sur leurs sites web.
  3. Marco Arment qui cite Merlin Mann : « Plus vous prenez des résolutions (resolve), plus cela indique que vous n’êtes pas prêt à changer. (…) Sinon vous seriez déjà en train d’agir.« 
  4. Scott Adam côté blog (et pas côté Dilbert), avec une vision provocante mais intéressante sur la liberté d’expression versus ce qu’il appelle la liberté des données.

Bonne lecture 🙂

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Agent de l’immobilisme

En ce moment je suis installé dans le même bureau que ce que j’appelle un agent de l’immobilisme. Au départ je voulais appeler cette catégorie de gens des agents de la résistance, mais ça faisait trop noble, trop glorieux par rapport à la signification historique du mot « résistance ». Je me suis donc rabattu sur agent de l’immobilisme.

Et le mien d’agent, celui que je vois toute la journée, il le représente bien l’immobilisme, dans sa plus belle forme même. Je dis ça parce que lui ne fait pas dans l’immobilisme passif, dans la paresse, non non. Le mien il est dans l’immobilisme actif, en fait ses journées sont même ultra remplies : il est en retard dès 9h du matin !

Que fait-il ? Il passe son temps au téléphone (en conférence avec le plus de monde possible), ou en réunion, à décourager, à refuser, à accepter, à lister les inconvénients et les challenges insurmontables, à relancer les débats fermés, à parler de son « expérience » et de comment il est sur que ça ne marchera jamais…

Il est subtile le bougre ! Son avis ne vient jamais en frontal, il laisse les gens s’exprimer, il contourne, il détourne… Ce qui est sur c’est que tant qu’il est dans la pièce ça n’avance pas, tant qu’il est dans la boucle, les arbitrages ne finissent pas.

Je plains sincèrement ses partenaires de projets, ceux qui essayent de faire avancer les choses malgré sa résistance, malgré son immobilisme. Je les plains d’autant plus qu’il a l’air de s’activer, on ne peut donc rien lui reprocher !

Et vous savez le pire ? Je suis sur que même lui ne réalise pas à quel point il est immobile. Il court tellement dans tous les sens qu’il ne peut pas se rendre compte qu’il fait du surplace. C’est d’ailleurs certainement le contraire, il doit surement penser qu’il est moteur, et il doit d’ailleurs surement être épuisé de toute cette énergie qu’il dépense !

Mais il y a une chose qui ne trompe pas, un test infaillible: les vacances. Car c’est quand il est parti en vacances pendant 2 semaines que tous ses projets ont avancé, que toutes les situations se sont résolues.  Donc si vous aussi quand vous rentrez de vacances vous vous étonnez de l’avancement de vos projets, sachez-vous poser les bonnes questions. Ça nous arrive à tous d’être l’agent de l’immobilisme, le tout c’est de savoir s’en sortir !

Il y a une faute d’orthographe en page 3

Une amie est venu me raconter une histoire qui m’a rappelé quelque chose que moi aussi j’ai déjà vécu, une histoire qu’on a tous déjà vécu et qui nous a tous épuisé moralement.

C’est l’histoire d’un cahier de procédure transmis de génération en génération, comprendre de prestataire en prestataire successif, sensé décrire la bonne marche du service à gérer pour la mission.

L’histoire ne dit pas si le cahier avait été initialement bien réalisé, personnellement j’en doute, toujours est t’il qu’à force d’édition par des gens moins motivés les uns que les autres, le cahier était devenu plus un objet symbolique (alias le bâton merdeux) qu’un réel guide pratique et utile.

Il était tellement loin de la réalité ce cahier que quand il a été demandé à mon amie de le mettre à neuf, elle s’est empressée de repartir de zéro pour constituer le cahier qu’elle aurait souhaitée trouver à son arrivée. Elle a donc relevé ses manches et après une semaine d’audit acharné et de recompilation astucieuse (oui je suis orienté) elle s’est enfin retrouvé avec un document de 5 pages, concis, qui expliquait tout le nécessaire et suffisant pour faire fonctionner le service. Elle se dépêche donc de le mettre en forme et le transmet quelques jours en avance à sa chef.

Comment l’a-t-on remercié de son investissement dans sa tache ?

Sa chef : « Il ne correspond pas à la trame du précédent, il faut le refaire ».

Hum hum.

« Comment répondre sans être vulgaire ? » C’était la question de mon amie.

Le fait que sa chef réponde ça indique clairement qu’elle n’avait pas lu le document plus loin que la première page. La police de caractère et le sommaire ayant changé, elle a refusé le document en bloc. Pourquoi prendre des risques à changer le document quand l’ancien satisfaisait très bien le client ? Le document n’a plus de sens ? Et alors ? Sa fonction n’est plus d’expliquer quelque chose, sa fonction c’est d’exister dans un répertoire quelconque pour qu’une clause contractuelle obscure soit remplie.

J’ai donc indiqué à mon amie ce que moi j’aurai répondu à sa chef : « Est-ce que vous voulez que ce soit fait, ou est ce que vous voulez que ce soit bien fait ? »

  • Si la chef répond « juste fait » > Mon amie reprend l’ancien cahier, change la date dans l’entête comme tous les autres avant elle, et voilà !
  • Si la chef répond « bien fait » > Voilà le nouveau cahier, comment pouvons nous l’améliorer ensemble?

Notez qu’il n’y a pas de compromis possible, pas de situation intermédiaire. C’est soit la rupture et l’amélioration avec le nouveau document, soit la routine et la sécurité avec l’ancien. Pas de document bâtard qui mélangerait le neuf dans le vieux : le pire c’est de se retrouver à devoir diluer son travail bien fait dans un format qu’on a déjà rejeté. Rien de tel pour poser sa démission 1 semaine après (en même temps, est-ce vraiment une mauvaise chose?).

Tant qu’on parle de démission : on peut accepter que son chef nous demande une fois ou deux de « juste faire » une tâche, mais ce doit être exceptionnel et justifié. Si c’est l’inverse, que la routine c’est « juste faire » et que l’exception c’est « bien faire », c’est qu’il est temps de changer de chef.

Cette histoire a résonné en moi parce qu’elle m’a rappelé quant après 1 mois de l’audit le plus exhaustif auquel j’ai participé, le premier retour qui nous a été fait par le DSI auquel nous avions remis le document de compte rendu a été : « Il y a une faute d’orthographe en page 3 »…

« Il y a une faute d’orthographe en page 3 », c’est devenu une private joke dans l’équipe pour désigner des situations pourries dans lesquelles les preneurs de décision fuient le changement comme la peste. Des situations sclérosées qu’il faut savoir éviter à tout prix. « Est-ce que vous voulez que ce soit fait ou bien fait ? » :  C’est une bonne question pour faire le tri !

Si vous voulez allez plus loin sur le sujet, c’est évidemment Seth Godin la référence, mais d’autres en parlent aussi plutôt bien.