Les choses que l’on possède…

Hier, une amie me racontait une histoire étonnante qui s’est déroulée chez son client. Ce client est une entreprise française à portée internationale de plus de 5000 salariés.

C’est l’histoire d’une de ses collaboratrices, ayant plus de 10 ans d’ancienneté, qui s’est portée volontaire à un mouvement en interne auprès du département RH. Elle avait repéré une annonce sur l’intranet pour un poste en parfaite adéquation avec son plan de carrière et avait  facilement obtenu un entretien avec le responsable RH en charge du dossier.

L’entretien se déroule bien jusqu’au moment où le responsable demande un CV et une lettre de motivation à la collaboratrice. Celle-ci répond gentiment qu’elle ne voit pas l’intérêt de produire ces documents alors qu’elle appartient à l’entreprise depuis plus de 10 ans. Le recruteur ne change pas de position et continue d’exiger les pièces. La conversation s’envenime, le ton monte, jusqu’à ce que la collaboratrice quitte l’entretien et renonce au changement de poste.

Je trouve cela affligeant de la part du responsable RH.

Demander un CV à une personne qui est dans sa propre entreprise depuis 10 ans ? Le département RH ne connaît-il pas le parcours de cette collaboratrice ? Est-ce de la fainéantise pour ne pas aller ré-ouvrir les dossiers historiques ou est-ce un attachement déraisonnable à des processus mis en place pour recruter des inconnus ? Parce qu’il ne faut pas oublier que le CV et la lettre de motivation ne sont pas des fins en eux-mêmes, ce sont des documents utilisés dans le but de juger une personne avant de la rencontrer, pour décider si oui ou non on va la recevoir en entretien. Les exiger de la part d’une personne qui a plus d’une décennie d’ancienneté ? Affligeant.

C’est la raison pour laquelle je me méfie toujours des processus, des documents normés et des contrats. Ces créations artificielles, mises en place initialement pour garantir un résultat, ont une fâcheuse tendance à se substituer à l’objectif et à devenir le produit fini. Une documentation est rédigée pour aider l’utilisateur à prendre  en main l’outil, pas pour satisfaire la clause 25 alinéa 3b du contrat de prestation de service, sinon elle perd tout son sens.

Alors de temps en temps je prends le temps de m’écarter du clavier et de réfléchir à ce que je fais. Si je suis en train de réaliser quelque chose qui apporte de la valeur au moins à une personne, tout va bien. Si je rédige une documentation ou réalise une fonctionnalité qui ne servira qu’à satisfaire une clause dans un PDF, j’arrête et je passe à autre chose. Je ne sais pas vous, mais moi je n’ai déjà pas assez de temps pour faire des choses intéressantes, alors je ne vais pas en plus en perdre sur de l’inutile !

Ps : la citation du titre.

4 liens rapides pour la semaine (2011-11)

C’est reparti!

  1. Une super vidéo du TED 2011 : Salman Khan à propos de la Khan Academy. C’est le genre de vidéo qui révolutionne sa vision des choses.
  2. Une petite pique de The Oatmeal à destination des web-développeurs qui nous infligent des paniers catastrophiques sur leurs sites web.
  3. Marco Arment qui cite Merlin Mann : « Plus vous prenez des résolutions (resolve), plus cela indique que vous n’êtes pas prêt à changer. (…) Sinon vous seriez déjà en train d’agir.« 
  4. Scott Adam côté blog (et pas côté Dilbert), avec une vision provocante mais intéressante sur la liberté d’expression versus ce qu’il appelle la liberté des données.

Bonne lecture 🙂

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Agent de l’immobilisme

En ce moment je suis installé dans le même bureau que ce que j’appelle un agent de l’immobilisme. Au départ je voulais appeler cette catégorie de gens des agents de la résistance, mais ça faisait trop noble, trop glorieux par rapport à la signification historique du mot « résistance ». Je me suis donc rabattu sur agent de l’immobilisme.

Et le mien d’agent, celui que je vois toute la journée, il le représente bien l’immobilisme, dans sa plus belle forme même. Je dis ça parce que lui ne fait pas dans l’immobilisme passif, dans la paresse, non non. Le mien il est dans l’immobilisme actif, en fait ses journées sont même ultra remplies : il est en retard dès 9h du matin !

Que fait-il ? Il passe son temps au téléphone (en conférence avec le plus de monde possible), ou en réunion, à décourager, à refuser, à accepter, à lister les inconvénients et les challenges insurmontables, à relancer les débats fermés, à parler de son « expérience » et de comment il est sur que ça ne marchera jamais…

Il est subtile le bougre ! Son avis ne vient jamais en frontal, il laisse les gens s’exprimer, il contourne, il détourne… Ce qui est sur c’est que tant qu’il est dans la pièce ça n’avance pas, tant qu’il est dans la boucle, les arbitrages ne finissent pas.

Je plains sincèrement ses partenaires de projets, ceux qui essayent de faire avancer les choses malgré sa résistance, malgré son immobilisme. Je les plains d’autant plus qu’il a l’air de s’activer, on ne peut donc rien lui reprocher !

Et vous savez le pire ? Je suis sur que même lui ne réalise pas à quel point il est immobile. Il court tellement dans tous les sens qu’il ne peut pas se rendre compte qu’il fait du surplace. C’est d’ailleurs certainement le contraire, il doit surement penser qu’il est moteur, et il doit d’ailleurs surement être épuisé de toute cette énergie qu’il dépense !

Mais il y a une chose qui ne trompe pas, un test infaillible: les vacances. Car c’est quand il est parti en vacances pendant 2 semaines que tous ses projets ont avancé, que toutes les situations se sont résolues.  Donc si vous aussi quand vous rentrez de vacances vous vous étonnez de l’avancement de vos projets, sachez-vous poser les bonnes questions. Ça nous arrive à tous d’être l’agent de l’immobilisme, le tout c’est de savoir s’en sortir !

Dilbert du 14/01/2011

La clef du succès ce n’est pas d’avoir l’idée, c’est de l’implémenter correctement… Il ne reste plus qu’à se mettre au boulot en somme 🙂

Dilbert.com

Traduction approximative:

Chef de projet: Votre idée a déjà été essayée plusieurs fois par d’autres et ça n’a jamais fonctionné!

Dilbert: Est-ce que ces autres étaient aussi doués à implémenter des idées que vous l’êtes à les juger?

Chef de projet: Bien sur qu’ils l’étaient!

Dilbert: Vous pouvez lui dire d’arrêter de s’auto-insulter?

De retour!

De retour je vais essayer de l’être. Je retrouve l’envie d’écrire, et surtout le temps.

Entre une arrivée et un départ dans la famille et mon changement de job, je ne pouvais pas en faire plus.

En fait le test est simple: si en arrivant le soir chez soi on tourne en rond en cherchant quelque chose à faire, à acheter, à consommer, c’est qu’il est temps de s’y mettre! L’énergie est là, autant l’utiliser pour quelque chose de créatif!

Un ami me disait récemment que puisque je n’avais pas la télé c’était plus facile pour moi. Je n’ai pas la télé, certes, mais jusqu’à preuve du contraire la télé n’est pas une malédiction : on peut toujours l’éteindre 🙂

Donc je m’y remets, doucement, et on verra si j’arrive à tenir le rythme!

Point de vue contenu, je déborde: 300 liens à traiter dans mes favoris Google Reader, Instapaper ou sur mon bureau, plusieurs idées d’articles (techniques ou pas), au moins une vingtaine de Dilbert… Ca me fatigue rien que d’y penser 😉

Donc je vais faire comme pour tout le reste: en commençant petit sur une partie que je maîtrise, le reste suivra!

Wesabe vs Mint : les vraies raisons de l’échec

C’est toujours intéressant de connaître l’histoire des vainqueurs, d’essayer de lire dans cette histoire pour comprendre quels ont été les critères de succès. Mais très souvent ça ne sert à rien, à cause de la fâcheuse tendance de l’être humain à voir des causes là ou n’y en a pas.

Ce qui est bien plus intéressant c’est de connaître l’histoire des perdants. Surtout quand ils arrivent à prendre suffisamment de recul pour comprendre d’où est venu l’échec. Et le dernier en date à se livrer à cet exercice publiquement est Marc Hedlund, co-fondateur de Wesabe (aujourd’hui l’appli a disparu, il ne reste « que » la communauté). A la base, Wesabe était la première application en ligne de gestion de compte, un type d’application désormais défini comme Mint-like. Le principe: on upload ses extraits de compte et l’application génère automatiquement du reporting financier mignon qui permet de comprendre pourquoi on est toujours à découvert dès le 15 du mois.

L’article en question est vraiment à lire, il se trouve par là.

Dans la première partie de son analyse, Mister Hedlund explique les raisons, souvent évoquées par la presse, qui selon lui ne sont pas à la base de leur échec:

  • Que Mint soit sorti en premier. C’est faux: c’est Wesabe qui est sorti en premier, et ils ont même réussi à prendre une bonne longueur d’avance en terme de nombre d’utilisateurs. Mais Mint a profité des débuts de Wasabe pour observer dans l’ombre et comprendre ce qu’il fallait faire, et ne pas faire. Le premier n’est donc pas toujours le gagnant.
  • Wesabe n’a jamais fait d’argent. C’est faux mais pas vraiment pertinent par rapport à cet article 🙂
  • Mint a un meilleur nom et un meilleur design. C’est vrai, mais Marc Hedlund ne pense pas que ça ait été un point déterminant dans la victoire de Mint. J’ai tendance à penser que si, tout du moins pour le design. Pour viser le grand public, il vaut mieux une appli belle mais un peu foireuse sur les bords que l’inverse, contrairement aux professionnels, qui sacrifieront la beauté pour les fonctionnalités. Pour moi, il faut d’abord que (1) l’appli fonctionne et fonctionne rapidement, ensuite (2) qu’elle soit belle, enfin (3) qu’elle couvre l’intégralité du périmètre fonctionnel. Mint a les deux premiers, Wesabe a tenté le premier et le dernier.
  • Wesabe n’a pas été viral alors que Mint oui. Faux: les deux l’ont été plus ou moins.

Mais alors, si ce ne sont pas ces raisons qui ont provoqué la chute de Wasabe, quelles sont les vraies raisons? Pour Marc Hardlund c’est:

Une erreur d’exécution : Ils ont eu un choix difficile à faire pour une fonctionnalité clef de l’application: le moteur de conversion automatique des fichiers uploadés provenant de la myriade de banques des utilisateurs dans leur modèle de stockage unique. Honnêtement, j’aurai fait le même choix qu’eux: re-développer en interne plutôt que d’utiliser celui de l’unique fournisseur à la réputation plus que sulfureuse. Mint a eu moins de scrupule, ça a payé: ils ont eu accès à la fonctionnalité d’upload automatique (sans retravail des utilisateurs donc) avant Wasabe qui avait été lancé 6 mois plus tôt.

Une erreur de design :  Mint part du principe que l’utilisateur ne doit rien faire, le moteur va donc essayer de ranger automatiquement les dépenses qui apparaissent sur les relevés de compte de l’utilisateur dans des catégories type loisir, restaurants, loyer… Évidemment ça donne des résultats bien foireux, mais ça donne des résultats. L’utilisateur de Mint a donc accès à un graphique de ses comptes dès les premières minutes de l’utilisation de l’application. A côté de ça, l’utilisateur Wasabe devait saisir et saisir et corriger et saisir et trier et saisir avant d’avoir le même résultat. Ok Mint n’est précis qu’à 80%, mais il donne un résultat quand Wasabe ne donne rien.

Ce qu’il faut retenir de cette aventure c’est que l’équipe de Wasabe a fait tous les bons choix par rapport à l’inscription du business dans le long terme: un moteur développé en interne, des résultats d’une grande qualité. Mais ils étaient placés face à des concurrents prêts à choisir des solutions court termes pour gagner absolument et tuer la concurrence. C’est ce qu’il s’est passé. C’est triste, mais certainement pas incontournable.

Le fait d’inscrire son business dans une stratégie long terme n’implique pas de renoncer à employer des tactiques court termes. C’est même strictement nécessaire pour lutter contre des business qui eux ne vivent qu’autour de leur stratégie court terme.

Comment cela s’applique pour Wasabe? Si la fonctionnalité d’import automatique était tant critique ils auraient dû lancer les 2 efforts en parallèle: développer leur propre moteur en interne, au calme, pour le long terme, et utiliser celui du fournisseur foireux à court terme pour gagner le sprint initial. Si les utilisateurs voulaient avoir un premier rapport rapidement après s’être inscrit, alors il fallait le leur offrir, même s’il était incomplet voir faux. Ensuite, rien n’empêchait d’éduquer progressivement ses utilisateurs (tout du moins la partie réceptive), en utilisant un bon design, pour les encourager à aller plus loin et faire mieux, et à ce moment leur offrir les outils pour le faire.

Et comme d’habitude, je conclue en faisant le lien par rapport au métier de consultant, où là aussi il faut savoir utiliser des tactiques à court terme pour faire progresser ses clients sur le long terme. Parce qu’il ne faut pas oublier que lorsqu’on se fait sortir d’un compte par des concurrents qui utilisent des techniques court terme, ça rend la tâche difficile pour faire progresser ses clients… qu’on a plus…